
Le continent englouti
Homère célébra les colonnes d’Hercule
Affirmant qu’au-delà, des peuples audacieux
Méprisèrent la Loi, pressant leur crépuscule
La fatuité de l’homme ayant défié les cieux.
Des tremblements de terre, aunes de grands malheurs
Morcelèrent ce monde en îles isolées
La goétie des rois et des grands gouverneurs
Fut d’élever plus haut d’immenses mausolées.
Séismes ,tsunamis, ouragans et tornades
Une terrible nuit noyèrent les îlots
Nulle âme n’échappa au bris des colonnades,
La terre des géants s’enfonça dans les flots
Poséidon voulut que l’homme impénitent
Pût lire en l’océan la colère céleste
La mémoire de l’eau, jusqu’à la fin des temps
Sculpte le souvenir du supplice funeste
Les ors du crépuscule embrasent l’horizon,
Vestige vaporeux d’un temple évanoui,
Fronton cyclopéen rougi par un tison,
Fragments, lambeaux épars d’acrotère enfoui…
La mer enroule au loin d’énormes péristyles,
Les colonnes lovées au sein des vagues fortes
Ondulent tel un flot de dolentes distyles,
Ultimes souvenirs de ces majestés mortes.
Le marbre vert se voûte, et des veines d’albâtre
Enluminent les eaux d’éclats teintés d’argent,
Y miroitent parfois dans une ombre idolâtre
D’anciens dieux endormis au reflet résurgent
La blanche cité d’Ys, l’Atlantide punie,
Quel continent perdu continue d’imprimer
Aux flux et au reflux cette forme infinie,
Ce souvenir perdu que l’eau veut exprimer ?
Le couchant flamboyant, l’orbe de l’onde ronde
Nous content tous les soirs cet ancien cataclysme…
Et dorment ces débris en notre cœur où gronde
Un vaste vague à l’âme, aveu de l’atavisme…
DM 10/2004
Symphonie n° 5 ré m, Op. 47, 1 Moderato
Dimitri CHOSTAKOVITCH (1906-1975).