Golfes d'Ombre

Illustration du poème

Terre-neuvas

A Olivier Borel (commis Wolff) 1960 - 2007

dors en paix, amour et amitié sont éternels

Goélette qu’espère femme de marin,
Aux yeux de brume, aux pieds d’écume,
Sous un rayon de lune qui l’emplit de chagrin
Aux flots bleus des lointains, conte son amertume

Le morne cantique qu’entonne la mer,
Au ciel d’automne dit le fatum du pêcheur,
Fait de drisses et d’abysses, de roches et d’amers,
Et brille dans son oeil des brisants la blancheur

Maelstroms, ouragans, cyclones pour aiguades
En de noirs tourbillons entraînent terre-neuvas,
Dans le génois, mugit le vent, triste bagad,
Pour avoir au grand banc troqué son galetas

Brumes, embruns, écumes et vagues brunes
Burinent son visage aux fines rides d'airain
Polies par le sable d’or des lagunes
Ou râpées, creusées, par l’âpreté des grains

Des ombres graciles dansent sur des Doris,
L’astre sélène ceint d’une étrange pâleur
Les petites nèpes mais la nuit complice
Charrie le reflet lisse de l’homme au labeur

Les lourdes rames courbent et forcent le flot,
Qui reflue et revient puis recule encor,
Et la lame renâcle devant l’affront du Ho !
Poussé par les marins en inspirant l’effort

Les longues lignes de fond arrachent le trésor
Que la mer, jalouse, jusque dans ses entrailles,
Défend farouchement en menaçant de mort
Ce breton audacieux qui lui livre bataille !

Reverras tu le port, ô ami courageux ?
Une marée d’avril t’emporta vers le large,
Bravant un avenir parfois si nuageux
Que nos regards perdus ballottent tels une barge,

Vers l’horizon cambré qui étarque les cieux.

Didier Meral 2004

— Didier Meral