Même s’ils ne sont que ceux-là…
Prends-les,
Tous ces mots secoués de leur torpeur,
Dans leur désordre
Au sommeil de leurs draps de papier,
Tour à tour rieurs, désabusés,
Amoureux, fragiles, blessés.
Prends-les,
Avec leur incertitude et leur courage,
Avec leur pitoyable attente
Et la désespérance refusée
Dont ils ne peuvent pas se défaire
Sous le front qui guide ma main.
Prends-les,
Même s’ils débordent
Et malgré l’indécence de leur sens,
Leur maladresse sans brouillon,
Leur brouillard sans issue,
Leur incontrôlable marée.
Prends-les,
Même dans la laideur
De leur perfection ratée,
Dans la dissonance et la cassure
De leur inhabituel murmure
Aux aveux sans frontière.
Prends-les,
Même s’ils boitent entre les marges,
Trébuchant de trop d’espace
En hésitant leurs verbes,
Eux, si longuement reclus
Dans la geôle insonorisée du refus.
Prends-les,
Dans l’imperfection de leur alchimie,
Sans calcul, sans fards,
Dans leur désolante nudité
Qui ne sait rien cacher,
Pas même leur sincérité.
Prends-les,
Comme un cri à bout de forces,
Qui n’en finit plus de crever le ciel
En inventant un autre ciel plus loin,
Vers une liberté sans jugement,
Ni condamnation.
Prends-les
Comme ils viennent,
Quoiqu’ils disent,
Même s’ils ne sont que ceux-là,
Pour qu’ils ne soient pas vains,
Et que j’existe encore un peu.